lundi 27 mai 2024

Configurations Canoniques des Doigts (CCD) vs numéros, en 6 points.

 

Les Configurations Canoniques des Doigts (CCD) sont comme les chiffres, mais elles sont beaucoup plus riches.

Ainsi, contrairement aux chiffres, les CCD sont pour ainsi dire immunisées contre toute confusion avec des numéros.

1. Les CCD ont été construites par le comptage cardinalisant explicite reliant clairement et à tout moment l’ordinal (levée successive des doigts) et le cardinal (levée simultanée, d’un seul geste, des doigts venant d’être levés successivement). Ce lien, cette fusion ou synthèse ordinal-cardinal constitue précisément le nombre.

2. Les CCD gardent à tout moment la « mémoire » de leur construction. Elles ne sont pas seulement, comme les chiffres, des représentations numériques, mais elles sont aussi et en même temps des représentations analogiques, des collections témoins du comptage : dans la CCD de 8, par exemple, les 8 doigts témoins de 8 gestes restent présents, bien que levés d’un seul geste. Ainsi la CCD de 8 désigne automatiquement la pluralité, alors que le numéro ne caractérise qu’un seul élément.  

3. Les CCD sont les éléments de la calculatrice-doigts dont un des rôles essentiels est d’effectuer les calculs de la manière la plus fiable, la plus rapide, la plus économique possible. Les CCD sont inutiles si elles ne remplissent pas ce rôle auquel il faut ajouter celui de la modélisation. C’est en remplissant ces rôles que les CCD se consolident en même temps qu’elles s’assouplissent pour s’adapter à toutes les situations. Par contre, les numéros ne permettent ni les modélisations ni les calculs.

4. À partir de la petite base (5) les CCD sont visiblement décomposées : 5(une main) et 1 pour la CCD de 6, 5 et 2 pour la CCD de 7, etc.  La « petite base », 5 doigts ou 1 main,  joue un rôle primordial dans ma méthode, tout comme elle a joué un rôle essentiel dans différentes sociétés archaïques.   

Quand on part de la maison de 7 qu’on retrouve dans différents manuels scolaires sous la forme abstraite reprise ci-dessous, aucune décomposition n’est privilégiée. L’enfant n’a aucune image prégnante de 7. En ce sens « 5 et 2 » n’est pas une décomposition ordinaire de 7. C’est une  décomposition privilégiée. On peut alors montrer sans peine que cette CCD de 7 peut se décomposer en 4 et 3 ou 6 et 1,…  


Les calculs où 5 intervient sont les plus faciles : 5 + 4 donne la CCD de 9, 5 + 8 = 5 + 5|3 (CCD de 8) ; 5 + 5 = les deux mains (CCD de 10)… 12 -5 = 5|5|2 - 5 = 5|2, la CCD de 7,etc. Il est donc conseillé de commencer par des modélisations et des calculs où le 5 intervient afin que l’enfant s’habitue à « jouer » avec ses doigts.

5. Raison d'être de la décomposition privilégiée. Il est beaucoup plus difficile de traiter (lire, montrer, lever, baisser,…) d’un seul coup et sans la moindre hésitation 4 et 3 ou 6 et 1. Les CCD doivent pouvoir être traitées d’un seul coup tout en restant parfaitement décomposables, sans quoi elles ne fonctionneraient guère et ne faciliteraient pas les calculs. Une CCD qui ne fonctionne pas efficacement n’est plus une CCD. Selon les besoins concrets, la CCD de 7 (5 et 2) doit pouvoir être décomposée en 4 et 3, 6 et 1, etc., mais 6 et 1 ne sera, par définition (qualité d’une norme dominante) jamais la CCD de 7.

Il est inutile et nuisible de déstabiliser l’enfant de peur qu’il puisse finir non pas par prendre 7 pour un numéro, mais par croire que 7 ne peut être que 5 et 2, forme aussi rigide qu’un numéro. Les nombreux problèmes à résoudre obligent l’enfant à décomposer les CCD dont un des rôles principaux est précisément de faciliter le calcul au lieu du comptage.

6. Rappelons enfin qu’aucune image statique ou même animée de l’extérieur ne peut traduire de manière satisfaisante les CCD vu que les aspects vécus, moteurs (lever, baisser,… les doigts), sensori-moteurs et proprioceptifs sont essentiels.  Rappelons aussi les liens intimes entre les doigts et les nombres. Ces liens ont été vécus durant des millénaires, exploités par quelques grands pédagogues, dégagés par certains mathématiciens de renom et, enfin, confirmés plus récemment par des études neuroscientifiques, notamment par l’imagerie cérébrale. 

Tous ces aspects cruciaux sont absents des numéros.

jeudi 23 mai 2024

Comptage-numérotage

 



S’agit-il, ci-dessus, de chiffres exprimant de simples numéros ou désignant des nombres ?

👉Voici comment Brissiaud décrit le comptage-numérotage auquel il ne cesse de faire la chasse, comme d’autres spécialistes et moi-même :

           


👉👉Mais tout n’est pas toujours aussi explicite. Loin de là !

1. Le comptage-numérotage est favorisé par nos pratiques sociales. Quand on compte, on ne fait jamais explicitement allusion à l’aspect ordinal (1er, 2e, 3e, … ; premier, deuxième, troisième, …). Cela est probablement dû, entre autres, au fait qu’on ne calcule qu’avec l’aspect cardinal (1, 2, 3,… ; un,  deux, trois…).

2. Je ne connais pas de comptine numérique qui fasse allusion à l’aspect ordinal  - ce qui serait pourtant très facile à faire. Seul l’aspect cardinal y figure ! 

3. De nombreux jeux « mathématiques » favorisent la réduction des nombres à des numéros.

4. Même la file numérique, si fréquente dans nos écoles, peut favoriser le numéro aux dépens du nombre ! Combien de fois n’a t on pas entendu des enseignants demander à un élève de montrer 5, par exemple, sur la file numérique. L’enfant montre alors LE 5 et l’enseignant le félicite. Alors que pour montrer 5 (et non pas LE 5) l’enfant aurait dû montrer toute la distance de 1 à 5. Ceci est d’autant plus difficile que les chiffres sont bien séparés comme dans notre dessin.

5. Un emploi prématuré de la calculatrice électronique s’avère d’autant plus piégeant que le résultat est accepté comme correct, peu importe la valeur que l’enfant accorde au chiffre de chaque touche : qu’il soit un numéro ou qu’il désigne un nombre, cela n’a aucun impact sur le résultat final.

La calculatrice ne demande aucune compréhension et son emploi prématuré peut donc renforcer les mécompréhensions.

👉Alors, l’enfant entendant ou disant 3 pense-il au nombre 3 désignant une pluralité ou à une sorte de numéro caractérisant un objet unique ? 

Présentons 5 jetons à un enfant qui sait « compter » jusqu’à 5 et demandons lui : « Combien de jetons y a-t-il ? ».

Il « compte » très bien jusqu’à 5 et s’arrête sans donner la réponse que nous attendons.

« Alors  combien de jetons y a-t-il ? » Réponse : il « re-compte ». Ce n’est en fait qu’un comptage-numérotage faisant correspondre un mot-nombre à un objet.

Le 5 final ne désigne pas une pluralité et ne permet pas de répondre à la question du combien.

Cependant si l’adulte répond « TB, il y a bien 5 jetons » ou qu’il insiste en disant à l’enfant qu’il n’a pas besoin de recompter, ce dernier apprend vite à répéter le dernier mot du comptage sans comprendre. Ainsi, le piège peut se refermer comme nous le détaillons dans notre analyse des pièges.

👉Contrairement au nombre, le numéro ne désigne pas une pluralité : le n° 8, qu’on le trouve sur une maison, sur un maillot ou ailleurs, ne désigne jamais la pluralité, notamment 8 maisons, 8 maillots…

Le numéro ne permet aucune décomposition : la maison n° 8 n’est pas la somme des maisons n°5 et n° 3… ni le produit du  n° 2 et du n° 4,... 

Dès que le numéro usurpe la place du nombre, tout se bloque. D’où l’empêtrement dans une sorte de comptage un par un. Comptage qui peut donner de bons résultats tant qu’on reste dans les tout petits nombres. Chaque « réussite », si on peut vraiment parler de réussite, renforce ce comptage un par un.

Tout s’écroule dès qu’on aborde les nombres d’une certaine grandeur, pouvant varier un peu d’un enfant à l’autre. Dans mon initiation aux mathématiques, je cite le cas de Sarah, fille qui débute la 3e primaire (CE2). Cette fille ne sait résoudre 27 + 48 que par le comptage un par un ! Tâche titanesque, vouée à l’échec d’autant plus que Sarah commence son comptage à partir de 27 et non pas de 48.

Comme d’autres enfants, Sarah se sert des doigts pour ce comptage. Ce très mauvais usage des doigts a certainement contribué à discréditer leur usage en mathématiques. 

👉👉Je n’insisterais pas autant sur la différence entre numéro et nombre, si elle ne nous faisait pas comprendre pourquoi certains enfants peuvent être complètement bloqués et finir par être traités de dyscalculiques.



vendredi 17 mai 2024

Construction concrète et explicite du nombre.


 

Au vu des données préalables, nous pouvons effectuer une construction simultanée des Configurations Canoniques des Doigts (CCD), éléments de base de la calculatrice-doigts, et des nombres.

Concrètement : l’intervenant demande à l’enfant de lever un doigt (le pouce de la main gauche) en disant un premier 1. Puis, il lève un deuxième doigt (l’index ; deuxième geste) en disant « et un deuxième (ordinal) 1 » ; puis, regardant ostensiblement l’ensemble des doigts levés d’un seul coup, d’un seul geste (simultanément), il dit « 2 en tout » (cardinal) : c’est la CCD de 2.

Puis il lève un troisième doigt (le majeur ; troisième geste) en disant « et un troisième (ordinal) 1 » ; puis, regardant ostensiblement l’ensemble des doigts levés d’un seul coup, d’un seul geste (simultanément),  il dit « 3 en tout » (cardinal) : c’est la CCD de 3. On continue ainsi au moins jusqu’à 5.

Le 5e  doigt n’est pas 5 mais 1 ! 

Il y a itération de l’unité : deux est un et un, cinq est quatre et un…

La CCD de 5 se base sur le 5e élément du comptage (ordinal)  tout en désignant d’un seul coup, d'un seul geste, simultanément, la pluralité des 5 éléments (cardinal) ayant été comptés par cinq gestes successifs (ordinal).

Le comptage cardinalisant est très différent du comptage-numérotage qui est dénoncé, à juste titre, par beaucoup de spécialistes et qui constitue un des pièges les plus redoutables. Dès que le numéro, bloc indécomposable, usurpe la place du nombre, tout se bloque. La maison n° 18 ne désigne pas 18 maisons, elle n’est pas la somme du n° 10 et du n° 8, etc.

Le comptage, quelle qu’en soit la qualité, n’est appliqué que très peu de temps aux doigts : les CCD (Configurations Canoniques des Doigts) se consolideront au cours de leur fonctionnement lors des modélisations et des calculs nécessaires à la résolution de problèmes.

Rappelons que la construction du nombre et de la calculatrice puise son sens dans la résolution de problèmes.

On prolonge, aussi longtemps que nécessaire, le comptage cardinalisant explicite au niveau du comptage des objets.

Le nombre, défini comme étant la synthèse entre l’ordinal et le cardinal, se construit ainsi progressivement. Aucun des deux éléments de la synthèse n’est construit séparément dans l’espoir de pouvoir les unifier ultérieurement.

Piaget qui a eu et garde souvent une influence considérable sur l’enseignement, définit le nombre à sa manière  comme la « synthèse opératoire de la classification et de la sériation » ou encore comme « la fusion de la classe et de la relation asymétrique ». Pour notre propos, nous pouvons établir une sorte d’équivalence avec le vocabulaire des mathématiciens : synthèse entre l’ordinal (sériation, relation asymétrique) et le cardinal (classe, classification). L’essentiel pour nous est que dans la pratique beaucoup d’intervenants interprètent encore aujourd’hui Piaget en considérant la sériation et la classification comme deux structures à part qu’il suffit d’entraîner séparément pour qu’en résulte, on ne sait par quel miracle, leur synthèse donnant naissance au nombre.

Même la Fondation Jean Piaget se montre bien plus nuancée et aussi plus claire sur son site : « Que le nombre soit synthèse des opérations de classification et de sériation ne signifie pas pour autant qu’il apparaisse après leur construction. » En d’autres termes, les structures logiques ne sont pas des prérequis, elles s’établissent en même temps qu’est construit le nombre. C’est essentiel. Cela explique aussi, en partie, pourquoi notre méthode réussit là où d’autres échouent tout en cachant leur débâcle derrière une prétendue dyscalculie irrémédiable.