vendredi 17 mai 2024

Construction concrète et explicite du nombre.


 

Au vu des données préalables, nous pouvons effectuer une construction simultanée des Configurations Canoniques des Doigts (CCD), éléments de base de la calculatrice-doigts, et des nombres.

Concrètement : l’intervenant demande à l’enfant de lever un doigt (le pouce de la main gauche) en disant un premier 1. Puis, il lève un deuxième doigt (l’index ; deuxième geste) en disant « et un deuxième (ordinal) 1 » ; puis, regardant ostensiblement l’ensemble des doigts levés d’un seul coup, d’un seul geste (simultanément), il dit « 2 en tout » (cardinal) : c’est la CCD de 2.

Puis il lève un troisième doigt (le majeur ; troisième geste) en disant « et un troisième (ordinal) 1 » ; puis, regardant ostensiblement l’ensemble des doigts levés d’un seul coup, d’un seul geste (simultanément),  il dit « 3 en tout » (cardinal) : c’est la CCD de 3. On continue ainsi au moins jusqu’à 5.

Le 5e  doigt n’est pas 5 mais 1 ! 

Il y a itération de l’unité : deux est un et un, cinq est quatre et un…

La CCD de 5 se base sur le 5e élément du comptage (ordinal)  tout en désignant d’un seul coup, d'un seul geste, simultanément, la pluralité des 5 éléments (cardinal) ayant été comptés par cinq gestes successifs (ordinal).

Le comptage cardinalisant est très différent du comptage-numérotage qui est dénoncé, à juste titre, par beaucoup de spécialistes et qui constitue un des pièges les plus redoutables. Dès que le numéro, bloc indécomposable, usurpe la place du nombre, tout se bloque. La maison n° 18 ne désigne pas 18 maisons, elle n’est pas la somme du n° 10 et du n° 8, etc.

Le comptage, quelle qu’en soit la qualité, n’est appliqué que très peu de temps aux doigts : les CCD (Configurations Canoniques des Doigts) se consolideront au cours de leur fonctionnement lors des modélisations et des calculs nécessaires à la résolution de problèmes.

Rappelons que la construction du nombre et de la calculatrice puise son sens dans la résolution de problèmes.

On prolonge, aussi longtemps que nécessaire, le comptage cardinalisant explicite au niveau du comptage des objets.

Le nombre, défini comme étant la synthèse entre l’ordinal et le cardinal, se construit ainsi progressivement. Aucun des deux éléments de la synthèse n’est construit séparément dans l’espoir de pouvoir les unifier ultérieurement.

Piaget qui a eu et garde souvent une influence considérable sur l’enseignement, définit le nombre à sa manière  comme la « synthèse opératoire de la classification et de la sériation » ou encore comme « la fusion de la classe et de la relation asymétrique ». Pour notre propos, nous pouvons établir une sorte d’équivalence avec le vocabulaire des mathématiciens : synthèse entre l’ordinal (sériation, relation asymétrique) et le cardinal (classe, classification). L’essentiel pour nous est que dans la pratique beaucoup d’intervenants interprètent encore aujourd’hui Piaget en considérant la sériation et la classification comme deux structures à part qu’il suffit d’entraîner séparément pour qu’en résulte, on ne sait par quel miracle, leur synthèse donnant naissance au nombre.

Même la Fondation Jean Piaget se montre bien plus nuancée et aussi plus claire sur son site : « Que le nombre soit synthèse des opérations de classification et de sériation ne signifie pas pour autant qu’il apparaisse après leur construction. » En d’autres termes, les structures logiques ne sont pas des prérequis, elles s’établissent en même temps qu’est construit le nombre. C’est essentiel. Cela explique aussi, en partie, pourquoi notre méthode réussit là où d’autres échouent tout en cachant leur débâcle derrière une prétendue dyscalculie irrémédiable.  


mercredi 15 mai 2024

Préalables à la construction du nombre.

 


Le nombre est une idée abstraite.

Comment construire concrètement une idée abstraite ? Comment aider l’enfant à y parvenir sans trop de difficultés ?

Pour tout chantier de construction des règles doivent être respectées pour éviter tout accident.

Il faut d’abord définir le nombre.

Le nombre est communément conçu comme la synthèse entre l’aspect ordinal (premier, deuxième, troisième,…) et l’aspect cardinal (un, deux, trois,…).

Pour construire le nombre, opérerons donc DÈS LE DÉBUT la synthèse explicite ordinal-cardinal en utilisant les doigts particulièrement adaptés à cet effet.

« Veut-on indiquer qu’une collection comporte trois, quatre, sept ou même dix éléments ? On lève ou on replie  simultanément trois, quatre, sept ou dix doigts, et l’on use de ceux-ci comme d’un modèle cardinal. Veut-on compter ces mêmes éléments ? On lève successivement trois, quatre, sept ou dix doigts, et l’on s’en sert alors comme d’un système ordinal. » (Georges Ifrah, dans sa célèbre Histoire universelle des chiffres. L’intelligence des hommes racontée par les nombres et le calcul)

Les liens entre DOIGTS, comptage, successivement et ordinal ainsi qu’entre DOIGTS, simultanément, cardinal et calcul (seul le cardinal intervient dans le calcul) sont à la base de ma méthode et en expliquent l’« efficacité époustouflante » évoquée par ceux et celles qui l’appliquent.

Je parle de « comptage cardinalisant » pour souligner le lien direct devant exister entre l’ordinal (comptage) et le cardinal. Beaucoup d’experts parlent de dénombrement. Mais ce terme ne fait pas allusion explicitement au lien entre l’ordinal et le cardinal.

En outre, tout dénombrement n’est pas un comptage. « Le dénombrement est la détermination du nombre d’éléments d’un ensemble. Il s’obtient en général par un comptage ou par un calcul de son cardinal. » (Wikipedia)

Les Configurations Canoniques des Doigts (CCD) ne sont pas des nombres mais elles les désignent comme les chiffres, tout en étant bien plus riches que ces derniers.

Les chiffres sont concrets. Ils désignent les nombres. Mais, il n’y a aucune analogie entre le chiffre 8, par exemple, et la quantité de 8 objets désignée par le nombre 8 ! Ainsi le chiffre ne conserve aucune trace tangible du comptage et de l’ordinal. Alors que la CCD garde cette trace : elle est à la fois une représentation numérique ET analogique.

Les CCD fournissent, en vertu de leur caractère analogique, des images mentales solides des nombres, des repères indispensables pour les modélisations et les calculs, des ancrages faciles à intérioriser.   



samedi 11 mai 2024

Construction sous contraintes de la calculatrice-doigts.

 

Disons d’emblée que cette construction ne peut jamais se faire dans l’abstrait, en dehors de tout contexte de résolution de problèmes ! Ce n’est que dans la mesure où les quantités augmentent que se fait jour la nécessité de perfectionner la calculatrice-doigts.

Nous ne construisons pas la calculatrice électronique. Nous l’achetons toute faite et nous y trouvons des chiffres destinés à désigner des nombres.

Nous devons, par contre, construire la calculatrice-doigts, les Configurations Canoniques des Doigts (CCD) et les nombres.

Cette construction s’enracine dans un comptage ordonné. Elle répond à une norme dominante résultant de contraintes anatomiques et culturelles. D’où l’adjectif « canonique ».

  • Exemple de contrainte culturelle : pour compter, nous levons les doigts, d’autres les baissent.
  • Exemple de contrainte anatomique, assurant une certaine universalité : on compte partout en respectant l’adjacence.

Les CCD sont donc toujours constituées de doigts adjacents et, dans notre culture, de doigts adjacents levés.

Ceux qui baissent les doigts (contrainte culturelle) ne les baissent jamais en arrière, ce qui est anatomiquement impossible (contrainte anatomique).

La norme dominante se justifie :  

1. Il est en effet capital de traiter (lever, baisser, lire, montrer,…) d’un seul coup, et sans la moindre hésitation, tous les doigts qui forment une CCD (simultanéité, aspect cardinal : un seul geste).

Aucun peuple de la terre n’a compté jusqu’à 3 en levant d’abord le médian de la main gauche, puis l’index de la main droite et enfin l’annulaire de la main droite !

La CCD de 3 ne peut donc jamais être formée ainsi. Essayer de lever d’un seul coup, sans hésitation et sans compter, ces 3 doigts !  Et comment utiliser efficacement cette configuration peu pratique dans les modélisations et dans les calculs ?

2. L’ordre stable du comptage que je choisis est de loin le plus fréquent dans nos sociétés. Le respect de cette contrainte culturelle permet une meilleure communication entre individus d’un même milieu culturel.

Parmi les centaines d’élèves que j’ai eu la chance de pouvoir aider, j’ai toujours relevé ou pu favoriser les mêmes CCD – celles dont les images statiques souvent stylisées sont reprises, sous diverses dénominations, dans les travaux d’auteurs partageant notre culture.

Nous trouvons, par exemple, chez Baruk (PUF, 2016) les « nombres en barres/doigts » suivants :




Les CCD doivent toujours être traitées (levées, prises, lues, …) d’un seul coup : 1 =  pouce de la main gauche ; 2 =  pouce et index ; 3 = pouce, index et majeur ; 4 =  pouce, index, majeur et annulaire ; 5 = toute la main gauche (MG) 

Après 5 on tourne le dos des mains vers soi de manière que les deux pouces deviennent adjacents. 6 = MG et pouce de la main droite (MD) ; 7 = MG, pouce et index MD ; 8 =  MG, pouce, index et majeur MD ; 9 = MG, pouce, index, majeur et annulaire MD. Pour 10, les deux mains.

👉👉Cependant, si bonne soit-elle, aucune image statique ou même animée de l’extérieur ne peut traduire de manière satisfaisante les CCD vu que les aspects vécus, moteurs (lever, baisser,… les doigts), sensori- moteurs et proprioceptifs sont essentiels.

Les CCD correspondent aux chiffres, bien qu’elles soient beaucoup plus riches. Les CCD ne sont pas les nombres qui, eux, sont des idées, des concepts. Mais, nous allons voir que la mise au point des CCD coïncide avec la construction du nombre.

Construction concrète et explicite du nombre.

  Au vu des données préalables, nous pouvons effectuer une construction simultanée des Configurations Canoniques des Doigts (CCD), éléments ...