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samedi 7 décembre 2024

Comment la découverte de la « magie » des mathématiques engage Didier sur la voie d’une pleine réussite, le libérant ainsi du diagnostic de dyscalculie

 

Didier, diagnostiqué dyscalculique, vient d’entamer sa 3e primaire (CE2).

Selon son institutrice, il n’aurait jamais dû passer en 3e .

« Il n’est pas à sa place, il est nul en maths. 

Je ne peux pas m’en occuper au détriment de toute ma classe. »

Bref, cela ira mal pour Didier, si la situation ne s’améliore pas rapidement.

Comme mes autres élèves, Didier se présente avec ses « affaires scolaires ».

Il se montre très éveillé et coopératif - ce qui lui a probablement permis de passer en 3e.

👉 Prenons 12 - 5 qui se trouve dans son cahier.

Tel un automate, Didier commence à décompter et donne 6 comme solution.

S’il avait trouvé 7, aurait-ce été mieux ???

👉 Je l’invite à me dire ce qu’il préfère : les voitures miniatures.

Ces voitures ne se trouvent pas dans mon cabinet. Je lui propose de les représenter par des jetons.

Cette représentation :

  • est un pas vers l’abstraction que la plupart des enfants acceptent sans difficulté.
  • permet de travailler avec tous les « objets » préférés, peu importent leurs caractéristiques : grandeur, fragilité, vivant ou inerte…
  • permet de travailler avec un grand groupe tout en laissant chacun travailler avec ce qu’il préfère.

👉 Consigne : prends 12 jetons, mets-les dans ta poche, puis donne-moi en 5.

Si l’enfant n’a pas de poche, il ou elle peut mettre les jetons dans une boîte (sous un drap….).

Combien de jetons te restent ?

👉Didier met aussitôt la main dans sa poche pour compter.

Je le lui interdis.

Je retire sa main de la poche en lui rappelant que s’il ne connaît pas la réponse, il doit la CALCULER.

😟 Mais comment calculer si jusqu’à présent calculer c’est compter et que maintenant il est interdit de compter ???

👉 Voyant son embarras, je l’invite à prendre sa calculatrice.

« Je n’ai pas de calculatrice ; Madame nous interdit d’en avoir une ! »

Cette réaction est très répandue dans nos écoles où « calculatrice » est synonyme de « calculatrice électronique ».

Calculer sans calculatrice. Calculer en comptant et donc sans calculer...

💀 Voilà l’entrée parfaite en Absurdie.

Les uns finiront, suite à des péripéties parfois longues et douloureuses, par s’en tirer plus ou moins bien grâce à des aides qui échappent au contrôle de l’école.

D’autres seront définitivement piégés et recevront la médaille des dyscalculiques.

Comment Didier va-t-il s’en sortir ? … 

Pour calculer, il faut une calculatrice.

La calculatrice n’est pas donnée. Nous la construisons en même temps que le nombre, par le comptage cardinalisant

👉Les constituants de la calculatrice, les Configurations Canoniques des Doigts (les CCD), ne posent aucun  problème pour Didier et nous pouvons progresser rapidement  jusqu’à 10.

👉Il est maintenant grand temps de faire fonctionner la calculatrice.

  • si l’enfant peine à progresser jusqu’à 3, on fait fonctionner la calculatrice déjà à ce niveau. 

Très embarrassé, Didier fait encore plusieurs tentatives d’aller dans sa poche pour compter.

La tension atteint son comble quand je révèle que je sais combien de jetons restent dans sa poche. Je le note sur un bout de papier que je cache d’un air provocateur sous son regard.

Le fait que je sache ce qu’il a dans sa poche à lui, alors que, lui, il l’ignore, énerve manifestement Didier.

👉 Après quelques minutes de très vive tension, j’invite Didier à prendre la calculatrice qu’il vient de construire.

Je l’aide à en faire un bon usage: « prends 12 doigts, mets 12 dans ta calculatrice ». Au début la consigne sera toujours exprimée concrètement (pends 5 doigts) et abstraitement (mets 5 dans ta calculatrice). Ainsi, l’enfant comprend ce qu’il convient de faire, sans courir inutilement le risque de s’embourber dans un concret opaque.

Didier prend dix doigts et me demande s’il peut mettre deux crayons pour les deux doigts qui restent.

C’est un bon signe en ce sens que les doigts perdent encore un peu plus de leur concrétude.

« Tu peux faire ce qui te semble le plus pratique ».

Il prend donc deux crayons.

👉 Je lui demande de retirer 5 (pour les 5 jetons). S’il avait été marqué 12 - 6 dans son cahier, j’aurais quand même pris 12 - 5  vu la force de 5.

Il ne retire pas 5 doigts d’un seul coup, mais le 12ème, puis le 11ème, etc. Il lui reste donc 7 doigts.

Comme il connaît déjà les écritures, je l’invite à écrire ce qu’il vient de faire.

Il s’exécute « correctement » : 12 – 5 = 7.

👉 En fait, lui fais-je remarquer en l’écrivant, tu as effectué : 12 – 1 – 1 – 1 – 1 – 1 = 7, et non pas « – 5 » d’un seul coup.

Je l’invite alors à reprendre ses 12 doigts et à voir s’il ne sait pas retirer les 5 plus vite, d’un seul coup comme c’est marqué !

 Il regarde longtemps…

Je lui demande s’il voit 5 doigts quelque part qu’il peut retirer d’un seul coup.

Il regarde…, et regarde… toujours vers la droite.  Retirer une main qui ne se trouve pas au bout à droite (là se trouvent les deux crayons/doigts) n’est pas évident du tout pour quelqu’un habitué, comme Didier, à la file numérique où il effectue ses retraits un par un en commençant par la fin c’est-à dire par la droite. Retirer signifie alors « reculer » pas à pas sur la ligne numérique… Décompter, c’est compter ! On est alors très loin du calcul, on en obstrue le chemin.  

Enfin : « là dans cette main ! », et il retire la main gauche.

Reste la CCD de 7 composée ici de 5 doigts et 2 crayons/doigts. Je l’encourage à comparer ce résultat avec celui qu’il avait trouvé auparavant.

👉 « Alors, combien de jetons restent dans ta poche ? »

Sa main part directement vers sa poche… pour compter !

Je l’arrête !!

« TON CALCUL NE T’A SERVI À RIEN ?! » 

Long silence … 

👉 « Pourquoi avais tu mis 12 dans ta calculatrice ? — Parce que j’avais mis 12 jetons dans ma poche. — Alors ? … »

Didier se ronge les ongles,…, regarde attentivement…

Tout à coup, il s’écrie tout excité : « 7, je dois avoir 7 jetons dans ma poche ! »

👉Je réagis, comme toujours, de la manière la plus neutre possible.

L’égalité 12 – 5 = 7 n’est pas vraie parce que je le dis ou l’approuve.

Cela se laisse vérifier !

L’argument d’autorité est un poison pour la pensée mathématique.

J’invite donc Didier à vérifier si sa solution est correcte.

👉 Mais comment vérifier ?

À plusieurs reprises, Didier avait tenté de compter les jetons au lieu de calculer.

Maintenant qu’il devrait compter pour vérifier le résultat du calcul, il n’y pense plus ou il n’ose plus le faire vu les interdits antérieurs.

👀Rappel des trois étapes que je résume brièvement ici:

  • Comptage basal : celui des 12 jetons à mettre en poche et des 5 jetons à retirer.
  • Modélisation et calcul 12 - 5 = 7 ne peuvent en aucun cas être remplacés par un comptage quelconque.  
  • Comptage-vérification, celui auquel nous sommes arrivés ici.

👉 « Que signifie le 7 ? — 7 jetons. — Alors… »

Silence tendu…

Enfin, Didier sort les jetons de sa poche.

Il les compte minutieusement : 7 !

👉 Didier est comme en transe.

Il a beaucoup de difficultés à réaliser qu’on peut savoir sans voir, sans toucher,… seulement en calculant.

Je lui montre enfin la réponse que j’avais notée dès le début sur le bout de papier que j’avais caché.

La séance se termine ici.

👉Le père vient chercher Didier qui court dans ses bras en s’écriant tout excité :

« Papa ! Papa ! On a fait de la magie ! ».

👀 Tant que les enfants n’ont pas senti la magie, au sens noble du terme, des mathématiques, tant qu’ils n’entrevoient pas les propriétés merveilleuses et les pouvoirs époustouflants des nombres et des figures, comment peuvent ils apprendre à aimer les mathématiques au moins assez pour se motiver et pour réussir à l’école ?

Cette séance avait déclenché un réel « déclic » chez Didier : il avait enfin vu que les maths peuvent SERVIR à quelque chose, qu’elles ont UN SENS, qu’elles permettent de savoir sans voir et de prédire ce qu’on peut vérifier après coup.

Si le sens manque, l’essentiel manque.

Les progrès de Didier ne tardèrent pas à se faire sentir à l’école où il allait réussir haut la main.

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