jeudi 23 mai 2024

Comptage-numérotage

 



S’agit-il, ci-dessus, de chiffres exprimant de simples numéros ou désignant des nombres ?

👉Voici comment Brissiaud décrit le comptage-numérotage auquel il ne cesse de faire la chasse, comme d’autres spécialistes et moi-même :

           


👉👉Mais tout n’est pas toujours aussi explicite. Loin de là !

1. Le comptage-numérotage est favorisé par nos pratiques sociales. Quand on compte, on ne fait jamais explicitement allusion à l’aspect ordinal (1er, 2e, 3e, … ; premier, deuxième, troisième, …). Cela est probablement dû, entre autres, au fait qu’on ne calcule qu’avec l’aspect cardinal (1, 2, 3,… ; un,  deux, trois…).

2. Je ne connais pas de comptine numérique qui fasse allusion à l’aspect ordinal  - ce qui serait pourtant très facile à faire. Seul l’aspect cardinal y figure ! 

3. De nombreux jeux « mathématiques » favorisent la réduction des nombres à des numéros.

4. Même la file numérique, si fréquente dans nos écoles, peut favoriser le numéro aux dépens du nombre ! Combien de fois n’a t on pas entendu des enseignants demander à un élève de montrer 5, par exemple, sur la file numérique. L’enfant montre alors LE 5 et l’enseignant le félicite. Alors que pour montrer 5 (et non pas LE 5) l’enfant aurait dû montrer toute la distance de 1 à 5. Ceci est d’autant plus difficile que les chiffres sont bien séparés comme dans notre dessin.

5. Un emploi prématuré de la calculatrice électronique s’avère d’autant plus piégeant que le résultat est accepté comme correct, peu importe la valeur que l’enfant accorde au chiffre de chaque touche : qu’il soit un numéro ou qu’il désigne un nombre, cela n’a aucun impact sur le résultat final.

La calculatrice ne demande aucune compréhension et son emploi prématuré peut donc renforcer les mécompréhensions.

👉Alors, l’enfant entendant ou disant 3 pense-il au nombre 3 désignant une pluralité ou à une sorte de numéro caractérisant un objet unique ? 

Présentons 5 jetons à un enfant qui sait « compter » jusqu’à 5 et demandons lui : « Combien de jetons y a-t-il ? ».

Il « compte » très bien jusqu’à 5 et s’arrête sans donner la réponse que nous attendons.

« Alors  combien de jetons y a-t-il ? » Réponse : il « re-compte ». Ce n’est en fait qu’un comptage-numérotage faisant correspondre un mot-nombre à un objet.

Le 5 final ne désigne pas une pluralité et ne permet pas de répondre à la question du combien.

Cependant si l’adulte répond « TB, il y a bien 5 jetons » ou qu’il insiste en disant à l’enfant qu’il n’a pas besoin de recompter, ce dernier apprend vite à répéter le dernier mot du comptage sans comprendre. Ainsi, le piège peut se refermer comme nous le détaillons dans notre analyse des pièges.

👉Contrairement au nombre, le numéro ne désigne pas une pluralité : le n° 8, qu’on le trouve sur une maison, sur un maillot ou ailleurs, ne désigne jamais la pluralité, notamment 8 maisons, 8 maillots…

Le numéro ne permet aucune décomposition : la maison n° 8 n’est pas la somme des maisons n°5 et n° 3… ni le produit du  n° 2 et du n° 4,... 

Dès que le numéro usurpe la place du nombre, tout se bloque. D’où l’empêtrement dans une sorte de comptage un par un. Comptage qui peut donner de bons résultats tant qu’on reste dans les tout petits nombres. Chaque « réussite », si on peut vraiment parler de réussite, renforce ce comptage un par un.

Tout s’écroule dès qu’on aborde les nombres d’une certaine grandeur, pouvant varier un peu d’un enfant à l’autre. Dans mon initiation aux mathématiques, je cite le cas de Sarah, fille qui débute la 3e primaire (CE2). Cette fille ne sait résoudre 27 + 48 que par le comptage un par un ! Tâche titanesque, vouée à l’échec d’autant plus que Sarah commence son comptage à partir de 27 et non pas de 48.

Comme d’autres enfants, Sarah se sert des doigts pour ce comptage. Ce très mauvais usage des doigts a certainement contribué à discréditer leur usage en mathématiques. 

👉👉Je n’insisterais pas autant sur la différence entre numéro et nombre, si elle ne nous faisait pas comprendre pourquoi certains enfants peuvent être complètement bloqués et finir par être traités de dyscalculiques.



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