👉Voici comment Brissiaud décrit le
comptage-numérotage auquel il ne cesse de faire la chasse, comme d’autres
spécialistes et moi-même :
👉👉Mais tout n’est pas toujours aussi explicite. Loin de là !
1. Le comptage-numérotage est favorisé par nos pratiques
sociales. Quand on compte, on ne fait jamais explicitement allusion à l’aspect
ordinal (1er, 2e, 3e, … ; premier,
deuxième, troisième, …). Cela est probablement dû, entre autres, au fait qu’on
ne calcule qu’avec l’aspect cardinal (1, 2, 3,… ; un, deux, trois…).
2. Je ne connais pas de comptine numérique qui fasse
allusion à l’aspect ordinal - ce qui
serait pourtant très facile à faire. Seul l’aspect cardinal y
figure !
3. De nombreux jeux « mathématiques » favorisent
la réduction des nombres à des numéros.
4. Même la file numérique, si fréquente dans nos écoles,
peut favoriser le numéro aux dépens du nombre ! Combien de fois n’a t on pas
entendu des enseignants demander à un élève de montrer 5, par exemple, sur la
file numérique. L’enfant montre alors LE 5 et l’enseignant le félicite. Alors
que pour montrer 5 (et non pas LE 5) l’enfant aurait dû montrer toute la
distance de 1 à 5. Ceci est d’autant plus difficile que les chiffres sont bien
séparés comme dans notre dessin.
5. Un emploi prématuré de la calculatrice
électronique s’avère d’autant plus piégeant que le résultat est accepté comme
correct, peu importe la valeur que l’enfant accorde au chiffre de chaque touche
: qu’il soit un numéro ou qu’il désigne un nombre, cela n’a aucun impact sur le
résultat final.
La calculatrice ne demande aucune
compréhension et son emploi prématuré peut donc renforcer les mécompréhensions.
👉Alors, l’enfant entendant ou disant 3 pense-il au
nombre 3 désignant une pluralité ou à une sorte de numéro caractérisant un
objet unique ?
Présentons 5 jetons à un enfant qui
sait « compter » jusqu’à 5 et demandons lui : « Combien de jetons y a-t-il
? ».
Il « compte » très bien jusqu’à 5 et
s’arrête sans donner la réponse que nous attendons.
« Alors combien de jetons y a-t-il ? » Réponse : il «
re-compte ». Ce n’est en fait qu’un comptage-numérotage faisant correspondre un
mot-nombre à un objet.
Le 5 final ne désigne pas une
pluralité et ne permet pas de répondre à la question du combien.
Cependant si l’adulte répond
« TB, il y a bien 5 jetons » ou qu’il insiste en disant à l’enfant
qu’il n’a pas besoin de recompter, ce dernier apprend vite à répéter le dernier
mot du comptage sans comprendre. Ainsi, le piège peut se refermer comme nous le
détaillons dans notre analyse des pièges.
👉Contrairement au nombre, le numéro
ne désigne pas une pluralité : le n° 8, qu’on le trouve sur une maison,
sur un maillot ou ailleurs, ne désigne jamais la pluralité, notamment 8
maisons, 8 maillots…
Le numéro ne permet aucune
décomposition : la maison n° 8 n’est pas la somme des maisons n°5 et n° 3… ni
le produit du n° 2 et du n° 4,...
Dès que le numéro usurpe la place du
nombre, tout se bloque. D’où l’empêtrement dans une sorte de comptage un par
un. Comptage qui peut donner de bons résultats tant qu’on reste dans les tout petits
nombres. Chaque « réussite », si on peut vraiment parler de réussite,
renforce ce comptage un par un.
Tout s’écroule dès qu’on aborde les nombres
d’une certaine grandeur, pouvant varier un peu d’un enfant à l’autre. Dans mon
initiation aux mathématiques, je cite le cas de Sarah, fille qui débute la 3e
primaire (CE2). Cette fille ne sait résoudre 27 + 48 que par le comptage un par
un ! Tâche titanesque, vouée à l’échec d’autant plus que Sarah commence
son comptage à partir de 27 et non pas de 48.
Comme d’autres enfants, Sarah se
sert des doigts pour ce comptage. Ce très mauvais usage des doigts a
certainement contribué à discréditer leur usage en mathématiques.
👉👉Je n’insisterais pas autant
sur la différence entre numéro et nombre, si elle ne nous faisait pas
comprendre pourquoi certains enfants peuvent être complètement bloqués et finir
par être traités de dyscalculiques.