Disons d’emblée
que cette construction ne peut jamais se faire dans l’abstrait, en dehors de
tout contexte de résolution de problèmes ! Ce n’est que dans la mesure où
les quantités augmentent que se fait jour la nécessité de perfectionner la
calculatrice-doigts.
Nous ne
construisons pas la calculatrice électronique. Nous l’achetons toute faite et
nous y trouvons des chiffres destinés à désigner des nombres.
Nous devons, par
contre, construire la calculatrice-doigts, les Configurations Canoniques des
Doigts (CCD) et les nombres.
Cette
construction s’enracine dans un comptage ordonné. Elle répond à une norme
dominante résultant de contraintes anatomiques et culturelles. D’où l’adjectif
« canonique ».
- Exemple de contrainte culturelle : pour compter, nous levons les doigts, d’autres les baissent.
- Exemple de contrainte anatomique, assurant une certaine universalité : on compte partout en respectant l’adjacence.
Les CCD sont
donc toujours constituées de doigts adjacents et, dans notre culture, de doigts
adjacents levés.
Ceux qui
baissent les doigts (contrainte culturelle) ne les baissent jamais en arrière,
ce qui est anatomiquement impossible (contrainte anatomique).
La norme
dominante se justifie :
1. Il est en
effet capital de traiter (lever, baisser, lire, montrer,…) d’un seul coup, et sans la moindre hésitation, tous les doigts qui
forment une CCD (simultanéité, aspect cardinal : un seul geste).
Aucun peuple de
la terre n’a compté jusqu’à 3 en levant d’abord le médian de la main gauche,
puis l’index de la main droite et enfin l’annulaire de la main droite !
La CCD de 3 ne
peut donc jamais être formée ainsi. Essayer de lever d’un seul coup, sans
hésitation et sans compter, ces 3 doigts !
Et comment utiliser efficacement cette configuration peu pratique dans
les modélisations et dans les calculs ?
2. L’ordre
stable du comptage que je choisis est de loin le plus fréquent dans nos
sociétés. Le respect de cette contrainte culturelle permet une meilleure
communication entre individus d’un même milieu culturel.
Parmi les
centaines d’élèves que j’ai eu la chance de pouvoir aider, j’ai toujours relevé
ou pu favoriser les mêmes CCD – celles dont les images statiques souvent
stylisées sont reprises, sous diverses dénominations, dans les travaux
d’auteurs partageant notre culture.
Nous trouvons,
par exemple, chez Baruk (PUF, 2016) les « nombres en barres/doigts »
suivants :
Les CCD doivent
toujours être traitées (levées, prises, lues, …) d’un seul coup : 1 =
pouce de la main gauche ; 2 = pouce et index ; 3 = pouce, index et
majeur ; 4 = pouce, index, majeur
et annulaire ; 5 = toute la main gauche (MG)
Après 5 on
tourne le dos des mains vers soi de manière que les deux pouces deviennent
adjacents. 6 = MG et pouce de la main droite (MD) ; 7 = MG, pouce et index
MD ; 8 = MG, pouce, index et majeur
MD ; 9 = MG, pouce, index, majeur et annulaire MD. Pour 10, les deux
mains.
👉👉Cependant, si
bonne soit-elle, aucune image statique ou même animée de l’extérieur ne peut
traduire de manière satisfaisante les CCD vu que les aspects vécus, moteurs (lever,
baisser,… les doigts), sensori- moteurs et proprioceptifs sont essentiels.
Les CCD
correspondent aux chiffres, bien qu’elles soient beaucoup plus riches. Les CCD
ne sont pas les nombres qui, eux, sont des idées, des concepts. Mais, nous
allons voir que la mise au point des CCD coïncide avec la construction du
nombre.