Des 15 pièges (ici) que j’ai pu relever, en voici trois qui sont
d’autant plus dangereux qu’ils peuvent se renforcer mutuellement.
1) Confusion entre le nombre et le numéro.
Pour l’enfant, nos mots-nombres ne sont souvent que des mots-numéros.
Ces derniers sont issus du comptage-numérotage faisant correspondre 1
mot – 1 objet. Ainsi chaque mot-numéro désigne
1 élément et 1 seul : le numéro huit ne désigne pas 8 objets (maisons, maillots
de foot,…) mais 1seul.
Le numéro est un bloc indécomposable, inutilisable en modélisations et
en calculs. Le n° 8 n’est pas la somme des n° 5 et 3, etc.
Ce piège peut être renforcé par des
- - files numériques utilisées de manière non numérique
- - comptines numériques omettant régulièrement l’aspect ordinal (premier, deuxième, …)
- - jeux dits « pédagogiques »
- - …
Quand le numéro usurpe la place du nombre tout se bloque. L’enfant
s’empêtre dans un « comptage » un par un.
J’ai eu en remédiation des dizaines d’enfants diagnostiqués
« dyscalculiques ». Ils étaient pratiquement tous pris dans ce
premier piège.
Si l’on croit que l’expression « dyscalculie transitoire » n’a
pas de sens et que la dyscalculie est un « trouble irrémédiable »,
alors le piège se resserre gravement, voire définitivement.
2) Confusion entre notre savoir et celui de l’enfant
Mettez 5 jetons sur la table et demandez à un enfant qui sait compter au moins jusque 5 : « Combien de jetons y a-t-il ? » L’enfant compte 1, 2, 3, 4, 5. (Silence)
Vous pouvez alors réagir de deux manières :
1) Soit, vous répétez votre question. Si, au lieu de dire alors qu’il y a 5 jetons sur la table, l’enfant re-compte, et re-compte, vous pouvez suspecter un comptage-numérotage : le 5 final est un n°, il ne désigne pas la pluralité des 5 jetons et ne permet donc pas de répondre à la question du combien.
2) Soit, vous louez l’enfant en disant TB et en soulignant avec plus ou moins d’enthousiasme ou d’insistance, À LA PLACE DE l’enfant, qu’il y a bien 5 jetons.
Certains s’énervent même en disant à l’enfant : « Tu n’as pas besoin de recompter puisque tu en as bien compté 5 !! »
L’enfant apprend alors vite à répéter le dernier mot, sans comprendre.
Le piège se referme plus fortement encore !
3) Confusion entre développements « naturel » ou « adaptatif »
Certains pédagogues « scientifiques », sans expérience de terrain, considèrent le comptage-numérotage comme une étape naturelle, normale. Ils croient consolider leur théorie en se citant mutuellement tout en s’immunisant contre tout brouillage pouvant venir du terrain.
Leur théorie n’est alors « prouvée » que par l'étude de sujets conditionnés à se conduire d’une manière conforme à cette théorie.
Ce phénomène a été dénoncé surtout par des ethnopsychiatres habitués à voir des personnes d’autres cultures et donc conditionnées différemment.
En fait, l’enfant sensibilisé dès le début au comptage cardinalisant, articulant les deux aspects constitutifs du nombre (aspect ordinal : premier, deuxième, troisième…et aspect cardinal : un, deux, trois,…) ne passe pas par l’étape prétendue « normale » du comptage-numérotage.
Lyons, célèbre enseignant-chercheur canadien, constate dans son Défi Mathématique que trop de difficultés des enfants nous renseignent sur la manière dont l’enseignement a été dispensé, sur le programme, la méthode ou le manuel.
Un piège est d’autant plus redoutable qu’il a la bénédiction des Autorités.